Le Monde: 'Au Parlement européen, la bataille du foie gras'
La France se montre toujours vigilante dès lors qu’il s’agit de défendre ce mets dont elle est le premier producteur mondial.
Ceux qui fréquentent la maison Europe depuis longtemps en rient encore. Au second semestre 2000, alors que la France occupait (comme aujourd’hui) la présidence française du conseil de l’Union européenne (UE), Jacques Chirac avait fait servir à ses homologues du foie gras… « Alors, qui n’aime pas ? », les avait-il interpellés, s’attirant comme réponse un silence gêné autour de la table.
Quelques mois plus tôt, Paris avait, une nouvelle fois, dû défendre cette spécialité française dont la fabrication – le gavage des oies et des canards – faisait déjà polémique et alimentait, notamment, la vindicte des Britanniques, qui n’avaient pas encore choisi le Brexit. Alors que plusieurs pays européens en avaient déjà, à l’époque, interdit la production – mais pas la consommation –, le président français s’était fait un malin plaisir de mettre ses invités mal à l’aise.
Plus de vingt ans après, Paris est toujours aussi vigilant dès lors qu’il s’agit de défendre ce mets dont l’Hexagone est le premier producteur mondial. Un récent épisode, au Parlement européen, en témoigne.
Le 15 février, les eurodéputés ont adopté un rapport d’initiative sur le bien-être animal, dans lequel il est affirmé que « la production de foie gras repose sur des procédures d’élevage respectueuses des critères de bien-être animal ». De fait, poursuit ce texte, qui n’a aucune valeur juridique, « il s’agit d’une forme extensive de production, qui se déroule essentiellement dans des exploitations familiales, où les volailles passent 90 % de leur vie en plein air, et où la phase d’engraissement, qui dure entre 10 et 12 jours en moyenne à raison de deux repas par jour, respecte les paramètres biologiques des animaux ».
Un épisode douloureux
En réalité, ce passage, qui a fait la joie des fédérations professionnelles comme Copa-Cogeca ou Euro Foie Gras, a été ajouté au rapport grâce à un amendement de l’eurodéputé Jérémy Decerle, appartenant à la majorité présidentielle d’Emmanuel Macron. Il s’en est fallu de peu pour que celui-ci soit adopté – par 325 voix contre 321. Mais quoi qu’il en soit, l’éleveur bourguignon a gagné.
A quelques mois de l’élection présidentielle française, celui qui, jusqu’à son arrivée à Strasbourg, en 2019, était aussi le président du syndicat Jeunes Agriculteurs, voulait envoyer un message clair aux producteurs de foie gras. Et faire ainsi oublier un épisode douloureux pour la profession, qu’il n’avait pas réussi à éviter.
En juin 2021, les détracteurs du foie gras au Parlement européen avaient marqué un point, profitant d’un moment d’inattention du camp d’en face. Dans le cadre, cette fois-ci, d’un rapport sur « la fin des cages », un amendement qui « invite la Commission à présenter des propositions visant à interdire le gavage cruel et inutile des canards et des oies pour la production de foie gras » avait en effet été adopté à 319 voix contre 251.
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